Ce système de paiement national inquiète Washington, qui y voit une concurrence déloyale menaçant les géants financiers américains par son succès fulgurant auprès de la population brésilienne.

« Le Brésil semble se livrer à un certain nombre de pratiques déloyales concernant les services de paiement électronique, y compris, mais sans s’y limiter, en favorisant les services de paiement électronique développés par le gouvernement ».

Le 15 juillet dernier, dans la foulée des 50% de droits de douane infligés par les États-Unis au Brésil, Jamieson Greer, représentant américain au commerce et négociateur en chef des États-Unis pour les accords commerciaux internationaux, accusait sans le nommer « Pix ».

Cet acronyme de trois lettres désigne désormais le système de paiement de référence au Brésil. Lancé par la Banque centrale en novembre 2020, Pix s’est imposé en quelques années comme un phénomène national qui redistribue les cartes de la finance numérique.

À tel point que son succès inquiète désormais les autorités américaines. Et il y a de quoi. Avec 76% de la population brésilienne qui l’utilise – soit plus de 160 millions d’utilisateurs -, Pix concurrence directement les entreprises financières américaines présentes au Brésil.

L’inclusion financière comme arme stratégique

En avril 2025, ce service de transfert d’argent instantané, gratuit pour les particuliers et à coût réduit pour les entreprises, a traité l’équivalent de 410 milliards d’euros de transactions. Un volume qui dépasse désormais pour la première fois les paiements par carte bancaire et en espèces réunis.

Ce succès a poussé l’administration Trump à annoncer, dans la foulée de la sortie de Greer, l’ouverture d’une enquête concernant les services de paiement électronique.

Une telle démarche illustre les tensions commerciales croissantes entre les deux pays et révèle les inquiétudes américaines face à l’émergence de solutions financières nationales qui leur échappent.

Selon les analystes brésiliens, cette enquête vise à protéger les intérêts des géants technologiques américains – Meta, Google, Apple – ainsi que les compagnies de cartes de crédit traditionnelles, dont les parts de marché s’érodent face à l’essor de Pix.

Une fierté nationale mobilisée

En 2020, Meta avait tenté de lancer WhatsApp Pay au Brésil, mais les autorités bancaires locales avaient freiné le déploiement, invoquant des risques pour le système de paiement national. Quelques mois plus tard, Pix était lancé. WhatsApp Pay a finalement été abandonné en 2024, incapable de percer sur un marché désormais dominé par la solution brésilienne.

L’annonce de l’enquête américaine a donc déclenché une vague de réactions patriotiques au Brésil. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #PixÉNosso (Pix c’est à nous) et #ÉNossoMyFriend (c’est à nous, mon ami) – en référence directe à Donald Trump – ont fleuri par milliers.

« Imaginons que 90% de la population utilise un système de paiement dont la société mère est internationale, comme WhatsApp Pay. Si, pour une raison ou une autre, ce système ne respectait plus la réglementation brésilienne et devait être suspendu – comme le réseau social X l’a été au Brésil pendant plus d’un mois en août 2024 -, comment gérer l’argent de toute la population dans un système étranger ? », s’interroge Carla Beni, professeure d’économie à la Fondation Getulio-Vargas, dans les colonnes du Monde.

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