En principe chômé et payé dans de nombreux pays utilisant le calendrier grégorien, le premier jour du cinquième mois de l’année se révèle être un véritable casse-tête administratif en France. Cette journée particulière s’accompagne d’un enchevêtrement d’exceptions, de contre-exceptions, concernant la tenue des activités commerciales.
Bien malin qui pourrait donner sans hésitation la liste des commerces qui seront ouverts sur le territoire français, jeudi 1er mai 2025, jour traditionnellement associé à la fête du Travail, et donc chômé pour les travailleurs.
Pour cause, ce qui devait être une règle simple – à savoir que personne ne travaille le 1er mai – est devenu un dédale juridique où se mêlent des interprétations divergentes et des positions contradictoires.
En effet, si le Code du travail stipule, dans son article L3133-4, l’obligation pour les travailleurs de chômer ce jour-là tout en étant rémunérés, il laisse la porte ouverte à une exception : « les établissements et services pour lesquels la continuité de l’activité est indispensable » ne sont pas concernés.
Cette disposition fait logiquement penser aux services d’urgences dans les hôpitaux, aux pompes funèbres, sans oublier les pharmacies ou encore les transports, entre autres. Des secteurs d’activités cités seulement par déduction, puisque la loi ne définit pas explicitement quelle activité peut être considérée comme indispensable.
Un flou juridique préjudiciable
Cette imprécision du Code du travail donne lieu à diverses interprétations selon les secteurs d’activité. D’où la possibilité offerte à certains commerces de faire travailler des salariés le 1er mai, moyennant une rémunération doublée, par leurs conventions collectives respectives.
C’est le cas des charcutiers-traiteurs, par exemple, qui considèrent qu’ils peuvent légitimement ouvrir leurs portes et faire travailler leurs employés. Leur convention collective prévoyant depuis son origine cette possibilité.
La même disposition existe pour les poissonniers et autres commerces alimentaires. Cependant, cette interprétation n’est pas sans risque. Les inspecteurs du travail, indépendants dans leur jugement, peuvent effectuer des contrôles et considérer que ces activités ne sont pas « indispensables ».
De quoi entraîner des sanctions de l’ordre de 750 euros par collaborateur trouvés en plein travail, Farell Legendre, président de la Fédération française des artisans fleuristes, cité par RMC.
Des contradictions flagrantes
Les fleuristes en l’occurrence représentent un cas particulier, notamment en raison de la tradition du muguet associée au 1er mai. Pour eux, cette journée constitue « la 2e ou 3e plus grosse journée de l’année en termes de ventes », selon Florent Moreau, président de l’interprofession Valhor, interrogé par RMC Conso.
Cet enjeu économique majeur motive « la totalité ou quasi-totalité des fleuristes et jardineries à ouvrir » malgré les risques juridiques encourus. Parallèlement, plusieurs boulangers ont été contrôlés l’année dernière et convoqués au tribunal pour avoir ouvert le 1er mai.
Ces contrôles indignent la profession, qui estimait bénéficier depuis 1986 d’une tolérance suite à une position ministérielle favorable, un principe finalement jugé obsolète par les tribunaux. En conséquence, la Confédération nationale de la boulangerie préconise désormais à ses adhérents de ne pas faire travailler leurs salariés le 1er mai, « jusqu’à nouvel ordre ».
Pour les restaurateurs, le flou juridique est tout aussi présent. Bien qu’une réponse ministérielle de 2016 ait affirmé que les établissements de restauration « concourent à la satisfaction d’un besoin essentiel du public » et entrent donc dans le champ de la dérogation au chômage du 1er mai, cette position n’a pas été inscrite dans la loi.